Avec la chute du mur de Berlin, la mort du marxisme, si régulièrement annoncée, durant un bon siècle, est apparue comme sans appel, aux yeux mêmes de nombre de ceux qui en avaient non sans passion rejeté jusqu’au moindre symptôme.
L’image du mur voulait signifier un effondrement brutal. On ne s’interrogeait guère sur sa nature : de quel effondrement s’agissait-il ? La mort de quoi ? Certains qui n’avaient pas craint d’évoquer un “empire de mille ans” pour parler du socialisme réellement existant, saluaient, sans plus de vergogne, l’écroulement d’un “château de cartes”. Or, force est bien de convenir, même si cela a pu passer inaperçu à l’époque, que la mort en question ne relevait nullement de l’infarctus ou de la rupture d’anévrisme, mais bien d’un long processus d’agonie. La conjugaison de facteurs internes, -la “stagnation” brejnevienne qui exprimait l’incapacité pour le monde soviétique de se transformer économiquement et politiquement, et de facteurs externes, de l’imposition d’une course aux armements, dont le caractère proprement ruineux a été sous-estimé, aux campagnes idéologiques et aux manoeuvres vaticanes, a provoqué une lente dégénérescence jusqu’à l’arrêt brutal, quant à lui, et pacifique (”la révolution de velours”), les peuples ne voyant aucun profit au maintien du système. La “katastroïka”, comme dira Zinoviev, du Dr Gorbatchev a simplement consisté à débrancher le malade. Etant entendu que cette euthanasie laissait, comme à l’accoutumée, entière la question de savoir si quelque thérapie inédite n’aurait pas sauvé le patient. Ajoutons que, de leur côté, les P. C. occidentaux s’étaient , quoi qu’ils aient laissé paraître, préparés, de longue date, à l’issue fatale, au rythme de divers aggiornamenti, allant de l’eurocommunisme aux conversions social-démocrates, qui sanctionnaient, croyaient-ils, leur retour dans le jeu de la démocratie bourgeoise. Aux funérailles, seuls quelques nostalgiques ne versaient pas de larmes de crocodile.
Aussi bien, dans l’euphorie générale, les cris de douleur et d’alarme ne risquaient pas de se faire entendre, couverts qu’ils étaient, d’un côté, par les clameurs d’enthousiasme des libérés se précipitant vers les délices de la société de consommation, et, de l’autre, par le concert de louanges des libérateurs jubilant sans retenue de leur victoire. Une ère nouvelle s’ouvrait, de toutes parts acclamée, celle d’un monde enfin sorti du cauchemar de la guerre froide et de l’équilibre de la terreur, celle du triomphe de la démocratie “tout court” confondue avec le (super)marché, d’un mot, celle du (néo)libéralisme.
Las, l’embellie fut de courte durée. Une décennie a suffi pour mettre à mal les attentes les moins ambitieuses. Le nouvel ordre mondial, censé apporter à tous paix et développement, sinon prospérité, découvrait un potentiel de malfaisance insoupçonné. L’absence de tout compétiteur, si asthénique qu’il ait été, laissait libre cours à la liberté du libre-échange, de l’exploitation et de la domination. Dans l’ex camp socialiste, dont le démembrement préparait les conflits futurs, la parturition démocratique n’avait produit qu’un régime de prébendes, de corruption et d’opérations mafieuses, qui n’avait même pas mis fin aux anciennes pratiques de despotisme oriental. Le Sud, à la fois spolié de ses richesses et abandonné à son sous-développement, était plus que jamais la proie des fléaux de la famine, des pandémies, des affrontements ethniques téléguidés, de l’asservissement des enfants, de la misère et des mortalités précoces. Les nations riches et puissantes elles-mêmes n’étaient nullement épargnées : du Sud gangrenait le Nord, avec, entre autres, le chômage structurel ou la “nouvelle pauvreté”. Les inégalités de toutes sortes se creusaient partout. La social-démocratie, dans un premier temps bénéficiaire de l’effondrement, qui avait espéré réformer de l’intérieur les rapports capitalistes, grâce à des mesures favorisant l’économie mixte, ralentissant la spéculation et assurant le consensus social, avait connu de retentissantes faillites. Elle laissait aux politiques libérales, revenues directement aux commandes, un terrain tout préparé pour de nouvelles reculades sociales aussi bien sur le plan national que sur le plan européen. Désenchantements et amertumes avaient saisi les “gens”, ou les “citoyens” (”classes” et “travailleurs” ayant été décrété hors d’usage), au point qu’ils ne jugeaient même plus utile d’accomplir leurs devoirs électoraux. On aurait, et on a eu, tort, de traiter de haut les thèmes à succès médiatiques de “la fin de l’histoire, de “la mort des idéologies”, de “l’ère du rien” ou “du vide”, car leur part de vérité est indéniable.
Ils ne correspondent pas seulement à une opinion touchée en profondeur par la perte de ses repères ou de ses valeurs, comme on voudra dire, donc “en crise”, comme on le dit aussi, et, partant, livrée à ces exutoires de désespérance que sont les replis communautaires, quelle qu’en soit la nature, - religieuse, ethnique, sexuelle, générationnelle ou sectaire, les retournements politiques radicaux (vers l’extrême-droite) et les enfermements individualistes. Le “ni droite, ni gauche” ou le “tous pourris” des bras cassés n’a pas d’autre sens. Mais surtout, la thématique en question, nous apprend que la “fin des idéologies” est précisément l’idéologie du libéralisme, celle dont il a besoin. Le “no future” est le temps sans lendemain. C’est le temps de la bourse qui déjoue constamment les prévisions des “prévisionnistes”: le matin, winner, le soir, loser. Du boom au krach, l’anarchie (alias “les lois”) du marché, ne connaît que le court/moyen terme des capitaux spéculatifs. Le long terme du projet et de la volonté d’avenir, où le quotidien s’excède de ses potentialités vers le mieux-être, surtout s’il est collectif, lui sont étrangers. Sa courte philosophie, que l’instant épuise, renvoie le “non-encore advenu” de l’espérance aux fantasmagories des cités perdues.
Une fois anéanties les promesses qu’il avait fait lever, le (néo)libéralisme poursuit sans fards sa politique de contraintes, son”talon de fer” écrasant le travail sous les seuls intérêts du capital et soumettant au profit de la marchandisation généralisée la peine des femmes et des hommes. On ne compte plus les reportages et témoignages, écrits, parlés et télévisuels, consacrés à la famine en Ethiopie, au travail et à la prostitution des enfants en Asie du Sud-Est, à la condition des femmes chez les Saoud, à la surexploitation des travailleurs migrants en Andalousie ou au trafic d’organes en Amérique latine, pour ne mentionner que ceux-là. Le constat ne fait plus aucun doute, dressé à la fois par le concret des conditions d’existence du plus grand nombre et scientifiquement mesuré par rapports, bilans et statistiques émanant des autorités nationales et internationales les moins contestées. Les dénégations ne sont plus de mise et la presse s’en fait largement l’écho. L’annonce programmatique obsessionnelle de la “réduction des inégalités”, de la part des “politiques” de toutes obédiences, ne remplit plus que le tonneau des Danaïdes, dont chacun sait qu’il n’ a pas de fond. Cependant que, depuis le fameux 11 septembre 2001, les discours de la sécurité et du terrorisme tentent de légitimer, sous des procédures disciplinaires, le consentement à l’ordre établi, la super-puissance étatsunienne, qui n’admet que des complices, des féaux ou des sous-traitants, s’assure une hégémonie mondiale sans précédent. Telle est bien la réelle portée de la mondialisation, ou globalisation, qui, maquillée de religion et d’humanitaire, rase impitoyablement tout ce qui dépasse d’autonome, de spécifique ou de différent en matière d’économie, de politique, d’armement et de culture. Les Droits de l’Homme, vantés à satiété, s’affaissent publiquement en droitdelhommisme, une idéologie qui ne mange pas de pain, mais peut encore rapporter gros.
“Le retour de Marx”, “Feu sur le capitalisme”, ces titres, point uniques, ont barré, sur cinq colonnes à la une, il y a quelques années déjà, des journaux qui ne se prétendaient pas tous de gauche. Voilà qui offre du grain à moudre. Je proposerai deux ordres de considérations. Le premier concerne l’intelligence de notre situation.
Ce n’est certainement pas “dans ce monde-là que nous voulons vivre”, pour emprunter à l’intitulé du dernier livre d’Eva Joly, mais dans quel monde vivons-nous? Et de quelle analyse est-il passible ? Un autre paradoxe nous guette. On peut s’étonner du “retour de Marx” et cependant continuer à le considérer comme dépassé, obsolète ou dangereux. On va alors chercher ailleurs les bonnes clefs, du côté de Keynes, pour la déploration et le souhait, du côté de Hayek et des hérauts du libéralisme, en remontant jusqu’à Smith et à sa “main invisible”, dont on ne se lasse pas, ou de Friedman, ou de von Mises et des libertariens…On va même jusqu’à provoquer une sorte de révolution en accueillant dans le panthéon des nobélisés, pour leurs fines observations des recettes en vue, un Indien, scrutateur de l’économie de la pauvreté. De fait rien ne marche vraiment, hormis le pas à pas conjoncturel de la météo de la corbeille. On ne va quand même pas se livrer à l’apologie de la jungle afin de définir la post-modernité, post-capitaliste et pas seulement post-socialiste, mais pré- rien du tout. Alors, peu à peu les mots reviennent, comme à tâtons, avant leurs concepts. Avec 1995, en France, et aussi en Corée du Sud, puis cet été même, où les records de température ne relevaeint pas uniquement des trous d’ozone et de la sécu, on a reparlé des classes et, bien sûr, de leurs luttes, sans lesquelles on ne les voit pas. Les efforts de masquage et d’endiguement à coups d’invocation de dialogues, de débats, plus “citoyens” les uns que les autres, et de concertation entre “partenaires sociaux”, appartenaient déjà au registre des rengaines fatiguées. Sous l’impact de la seconde guerre du Golfe, et de l’exaltant clivage qu’elle avait fait apparaître entre défenseurs de la légalité onusienne et boutefeux irresponsables, l’impérialisme tant honni refaisait surface, y compris dans le langage d’un Jack Lang, jamais à court d’une audace verbale. Dans la foulée, repartait, pour brouiller les pistes, la discussion autour de l’antiaméricanisme, assimilé par ses plus chauds pourfendeurs hexagonaux à l’antisionisme, ce dernier à l’antisémitisme, et même, pour faire bonne mesure, à l’antimondialisation.
L’opinion, ou plutôt et mieux dit, les peuples, pour la première fois à l’échelle de la planète, ne s’y trompaient pas, qui faisaient entendre leur voix, et avec quelle force, contre l’hégémonisme guerrier…impérialiste. Il n’est pas jusqu’à la révolution en personne, qui, évadée de ses usages cosmétiques et vestimentaires, repointait sa truffe dans le champ politique. Il est vrai que la faillite des réformismes social-démocrates (Europe) et l’écrasement des tentatives de développement non-capitaliste (Chili, Nicaragua), amenaient à rouvrir d’anciennes querelles, par exemple entre l’aménagement, -une mondialisdation moins sauvage, une OMC plus démocratique, et la rupture ,-une autre (laquelle ,) mondialisation, une ONU entièrement rénovée. Au lendemain des présidentielles de 2002, la proclamation, la main sur le coeur, des (bonnes) intentions de radicalité tenait lieu de programme. Et les concepts restaient en rade. Il n’est pas nécessaire d’aller plus loin dans la traque des apparences pour avancer que le retour de Marx est bel et bien fondé. Qu’il est nécessaire à la compréhension de notre époque. Soyons plus précis : ce n’est un retour qu’aux yeux de ceux qui avaient en effet perdu de vue qu’il n’était jamais parti. Compte-tenu de l’enchevêtrement passablement contradictoire des circonstances, on ne saurait leur en tenir rigueur. Ce qui ne dispensera pas de quelques rappels. D’abord, celui-ci : qu’est-ce qui s’est effondré dans l’effondrement ? Sinon un ensemble d’expériences sociales, i.e. à la fois politiques, économiques et culturelles, opérées sous le nom de marxisme, dans des pays qui se trouvaient loin de réunir les conditions d’une révolution communiste.
L’enthousiasme qu’elles ont suscité était à la mesure des attentes populaires ressenties dans le monde entier et qui, quoi qu’il paraisse, demeurent intactes aujourd’hui. Il ne s’est progressivement effacé que sous le redoublement des déceptions portées à la caricature par la propagande et les agressions diverses venues de l’Ouest, au point qu’au moment de la chute un trait était tiré sur les aspects les plus positifs des régimes de type soviétique. L’actuelle ostalgie, illustrée par le film “Good bye, Lénine” et attestée par toutes les enquêtes d’opinion, dès les années 90, est à cet égard éclairante. Je rappelle également que cette analyse, ses nuances et ses approfondissements, sur lesquels je suis contraint de faire l’impasse, a été conduite, de longue main, par des chercheurs marxistes eux-mêmes. Que, d’autre part, le refus d’assimiler l’apport théorique de Marx aux prétendues “applications” staliniennes, parallèle à celui de confondre le christianisme et l’Inquisition (Hobsbawm), ou l’Islam avec Ben Laden, se trouve inscrit dans notre terreau intellectuel depuis des décennies. Des oeuvres, à l’instar de celles d’un Braudel, d’un Foucault ou d’un Bourdieu, pour rester en France, ne se concevraient pas sans la fécondation de nos sciences humaines et sociales (à tout le moins) par la pensée issue de Marx.
Dans quel monde vivons-nous ? Aujourd’hui même, la conceptualisation élaborée par les Pères fondateurs apparaît comme la seule et se révèle indispensable afin d’établir le disgnostic de notre système. Car, ce dernier, en dépit des considérables évolutions qu’il a subies et des équilibres qu’il a constamment su rétablir, est, dans son essence, demeuré le même. Sans avoir la prétention de donner ici un catalogue, notons quelques points forts. Le stade de la mondialisation, auquel nous sommes parvenus, et qui est coextensif aux rapports capitalistes de production, figure, en toutes lettres, dans le Manifeste. Le règne du capital financier, ce “fétiche automate, où l’argent fait de l’argent, comme le poirier porte des poires, est exposé dans le Capital. Les procès d’expropriation et d’extorsion de la survaleur, toujours d’actualité, s’y rencontrent également. Le prolétariat, que l’on assure disparu de nos métropoles, se compte par centaines de millions à l’échelle mondiale, dans des bagnes qui n’ont rien à envier à ceux du XIXème siècle. Les bases de la théorie de l’impérialisme n’ont-elles pas été jetées par…Lénine ? A l’heure du triomphe des politiques (néo)libérales, ne convient-il pas de s’interroger à nouveaux frais sur les questions du pouvoir et de l’Etat, de la nation et de la société civile, du rôle des peuples et de la souveraineté ? Affectera-t-on de croire que plus d’un siècle de recherches et de débats, des premiers socialistes jusqu’aux Lukacs, Lefebvre ou Bloch, n’a rien à nous apprendre et que nous sommes condamnés à faire les poubelles des technocrates du Conseil de l’Europe ? Comme c’est facile d’enterrer avec Staline, sous le mur de Berlin, les leviers qui nous font défaut, au moment précis où l’échec de toutes les tentatives susceptibles de bloquer la barbarie post-moderne remettent à l’ordre du jour la nécessité d’une alternative radicale. Elle ne possède pas d’autre nom que celui de révolution, dont le sort est indéfectiblement lié à celui de démocratie. Leçon gênante et occultée que ce couplage, pourtant lui aussi inscrit en gros caractères dans le marxisme vivant, et point uniquement chez une Rosa Luxemburg, dont la fugure s’impose sur ce terrain. Il n’est pas de leçon plus forte d’une histoire, séculaire, la nôtre, qui veut en finir avec les régimes de domination, qu’ils soient de l’Est ou de l’Ouest.
Il ne s’agit nullement, bien entendu, - autre épouvantail, de délivrer des recettes ou de fournir quelque prêt-à-porter politique, mais bien, à l’exemple même des chefs de cuisine ou des couturiers, de travailler la matière et d’inventer. Ici malheureusement se tient l’obstacle. Le paradoxe se présente ainsi : la volonté du “changer le monde” suppose que soient donnés, à la fois, situation (connaissance de la ), direction, acteurs et organisations. Or, en regard du monde comme il (ne) va (pas), du dessein de le mettre en l’air, et des masses (les dominés) à bout de patience et de conscience, le dernier terme, qui faisait jadis une si arrogante carrière, se dérobe et semble bien bancal. Laissons de côté les gloses sur la “forme-parti”. L’affaire est sérieuse qui concerne les moyens, autrement dit l’état de la “gauche”. Un sale état, chez nous, comme chacun sait. Le social libéralisme tourne en rond, ayant tout essayé. Ses appels au “peuple de gauche” ne risquent pas d’être entendus. Il n’a plus grand chose en magasin, à l’exception de quelques bulletins électoraux mendiant leurs destinataires. La gauche “plurielle” ne va pas mieux. Elle gagnerait assurément à faire son profit du mot d’ordre de l’association “Ni putes, ni soumises”. En son sein, le parti communiste est peut-être le plus atteint. De consomptions piaculaires en conduites de deuil, il a petit à petit, sans même attendre l’effondrement, bouchée après bouchée, mangé sa carte d’identité, se débarrassant, un coup, de la dictature du prolétariat, un autre, de l’internationalisme (”prolétarien” évidemment), enfin du marxisme. Quelle peut être la boussole d’un parti communiste qui ne se réclame plus du marxisme ? Celle des braves socialistes utopiques ? Fière avancée. On ne sache cependant pas que, dans son repli hexagonal, il ait élu un Fourier ou un Blanqui comme ancêtres de substitution. En tout cas, comment s’étonner, après un tel effeuillage, de se retrouver nu, à l’orée de l’hiver ?
Nous écrierons-nous, avec le Gloucester du prélude de Richard III : “Voici l’hiver de notre déplaisir” ? Mais quel “soleil d’York” va le changer “en radieux été” et enfouir “les nuages qui menaçaient notre maison au fin fond des mers” ? Il faut avoir confiance. L’histoire n’est pas vouée à la claudication perpétuelle. Les nombreux mouvements qui se développent en France et à travers le monde, quelques divers et contradictoires qu’ils soient encore, finiront par ouvrir les voies de la libération. A la conscience révolutionnaire modestement de les y aider.
Georges Labica (septembre 2003)
Si l’on veut en savoir plus, je renvoie à mon livre, Démocratie et révolution, à paraître au Temps des Cerises (paru depuis)
Ce texte a paru dans Le Nouvel Observateur, N° spécial sur “Karl Marx Penseur du XXIè siècle ?”, oct.-nov 2003.