Elle a pour conséquence que na jamais été offert à lélecteur un tel éventail doptions de droite : Le Pen, De Villiers, Sarkozy, Bayrou, Royal.
Le discours sécuritaire, devenu lidéologie dominante, légitime tous les dispositifs du libéralisme, dernière phase du capitalisme mondialisé, en les déclarant indépassables.
Le système
Quand il nest pas purement et simplement ignoré, il fait à peine lobjet dallusions (la VIè République ?) et jamais de déclarations programmatiques précises.
Or, il faut rappeler quil nest pas démocratique : des secteurs entiers de lopinion, donc de forces sociales, sont exclus de toute représentation, à la fois par le jeu de la collecte de signatures pour être candidat (encore aggravée par la décision dinterdit du PS), et du mécanisme électoral ; rôle figuratif/consultatif du parlement et sa soumission à un gouvernement lui-même soustrait à laval électoral ; plébiscite dun individu investi de pouvoirs monarchiques.
Le système produit deux effets : lexistence dorganisations partidaires vouées au jeu électoral, afin de préserver ou accroître leurs positions acquises, -politiques, morales et financières ; le nombre dabstentionnistes, qui na cessé denfler, au point de former la majorité de lélectorat, et qui est traité hors comptabilité des suffrages. Avec deux conséquences communes à toutes nos démocraties « modèles » occidentales: le bipartisme qui saffirme, en France, délection en élection et risque fort de se voir consacré, au prochain scrutin ; des élus, Président inclus, minoritaires, donc, en bon principe « républicain », inaptes à exercer des fonctions de lexécutif. Est, dans les deux cas, entériné le fossé, déjà béant, entre « élites » et peuple.
Ce verrou (faut-il le redire ?) garantit la domination des puissances monopolistes, à travers notamment les médias quelles contrôlent. Leur association (de malfaiteurs) a distribué les rôles de la prochaine consultation.
Les postulants/concurrents.
On sait par quelles manipulations, de loin venues, a été installé sur le devant de la scène électorale, le couple Sarkozy/Royal. Or, il semble désormais quil faille faire son deuil de lalternative qui pouvait lui être opposée. Pour rappel : elle consistait à définir un programme anti-libéral sur le rassemblement des forces sociales qui sétaient engagées dans les luttes contre la constitution européenne et le CPE en particulier, les émeutes des banlieues, quant à elles, ne trouvant ni relais, ni porte-parole. On peut spéculer sur les raisons de léchec, sans se priver, bien sûr, de désigner des coupables. Je dirai plus directement que, face au défi de constituer la force unitaire (trans- et hors partis), nécessaire à la réplique qui le refusait, le système, une fois encore, la emporté. Il sagissait de courage, dinvention, peut-être daventure. Qua-t-on vu ? Les incohérences dAG sans base politique réelle, les réflexes de boutiques et, sagissant du principal acteur, cette majorité du PS qui avait choisi le non, les grandes gueules, de Fabius à Emmanueli et autres Montebourg, se fondant dans le brouillard dun congrès sans aspérités doctrinales. Des traîtres ? Plutôt des repentis, attestant que la logique de classe navait été pour eux quune récréation sans conséquence. Et lhomme de convictions (didées ou de principes), Chevénement, venait, à son tour, pour un plat de lentilles, conforter leur bonne conscience. Il ne restait plus quà lenfant de ce brouillard, Mme Royal, à fédérer les fantômes.
On repartait ainsi pour les vieilles antiennes du vote « utile » et du vote « barrage », où se sont épuisées des générations entières de militants de gauche, jusquà la pantalonnade des 80% de Chirac, en 2002
Hypothèses
Faut-il donc voter Royal ? Plusieurs attitudes sont possibles : la pince sur le nez ; la résignation, le réalisme, la confiance, lespérance. Au nom de quels arguments ?
On invoque, avec le concours de quelques philosophes qui se sont eux-mêmes appelés en renfort, bien quils naient pas plus de compétence en la matière que nimporte quel citoyen, lexistence de « contradictions » au sein du PS, passibles de faire éclater son unité de façade et sur lesquelles pourraient « peser » des formations associées davantage orientées à gauche. Il nest pourtant pas nécessaire de rappeler ce qui sest produit, il y a peu, avec la bien singulière « Gauche plurielle », ni de renvoyer aux expériences historiques, pour émettre quelques doutes sur les capacités actuelles du PS. Ce parti est en passe de perdre son S pour ne plus représenter que les couches moyennes supérieures et les cadres (cf. les nouveaux adhérents, plus de 166% dans le 92, dont il est peu probable quils appartiennent aux « quartiers »), alors quun un fort taux de prolos vote FN. Il est clair en effet que la ligne Royal, même si elle naboutit pas, comme le suggère le chroniqueur italien, Cesare Martinetti, de La Stampa, à un ticket Sarkozy/Royal, sera plus en phase avec Bayrou quavec Buffet. Pour certains, cest précisément cet ancrage droitier qui ouvrirait la voie à une gauche radicale, capable de réussir où les comités du non ont échoué. Plus audacieusement encore, en sappuyant sur lanalogie Royal/Sarkozy, qui, chacun dans son camp, a fonctionné comme un aimant agglomérant la grenaille, on peut se prendre à espérer que la force attractive cessant, de nouvelles cartes seraient distribuées
au centre droit. En attendant et en laissant de côté les engagements sociaux inhérents au verbe électoraliste, manquent les assurances sur les deux questions discriminantes que sont lEurope et le conflit du Proche-Orient, entre autres. Si, à propos de la Palestine, on avance que Royal a été mal conseillée, il y a lieu de sinquiéter sérieusement quant à laptitude de Madame « Je veux », à remplir la fonction de premier magistrat de France. Si le désir enfin et le plaisir de barrer la route à un Sarkozy nest nullement illégitime et emporte de choisir, entre deux maux, le moindre, on peut quand même préférer nêtre pas malade.
Le recours à José Bové ? Il est trop tard, la casse est faite et son résultat, lémiettement des candidatures, ne fera que renforcer le chantage au vote « utile ». En outre, le personnage, pour qui les révolutions ne sont que ringardises du siècle précédent (entendons le XIXè), ne se déclare pas hostile à une association avec le PS.
Que faire ?
Car cest bien là le fond du problème, la leçon de la conjoncture actuelle, qui contraint à briser avec les illusions traditionnelles, en rejetant le principe même dune alliance, on dune compromission, avec le PS. Volonté, en votant blanc, de garder les mains blanches ou, en sabstenant, de laisser courir? Certes non, mais bien de coller au plus près de la situation concrète daujourdhui, qui en appelle, ne craignons pas de le dire, à un sursaut révolutionnaire. Ce qui signifie dénoncer lélectoralisme qui colle à la peau, quoi que lon en ait, autrement dit la réduction du citoyen aux intermittences des scrutins. Il faudra bien que le moment vienne où les bulletins blancs et nuls, ajoutés aux abstentionnistes et aux non-inscrits, ne soient plus considérés comme de la merde, mais comme une expression politique, pas plus éclectique, après tout, que ne le furent les votes anti Europe. Il nest pour autant pas question de se substituer au mouvement de masse, dont il est évident, sous les effets conjugués de la dégradation des conditions de travail et dexistence, du conditionnement médiatique et des servilités syndicales, quil nest pas mûr pour engager, de façon concertée, le procès dun changement radical, dont les formes seront nécessairement inédites. Est-ce songe creux le refus de croire que ce pays a été à ce point domestiqué quil a abandonné la lutte de classe, qui a fait loriginalité de son histoire ?
La tâche, dès lors, pour chacun, consiste à contribuer, quelle que soit la modestie de ses moyens et, sagissant dintellectuels, uniquement de leurs mots rendus inaudibles, à la prise de conscience et à soutenir, contre tous les consensus dominants, toutes les colères, toutes les contestations qui travaillent notre société.
January 2007
revue Utopie critique